Le printemps était dans l’air lorsque le monde s’est arrêté en mars 2020. Alors que les nations du monde entier étaient confrontées à une maladie nouvelle et inconnue, la peur de ce qui allait arriver était aussi le ciment qui nous unissait. Mais un sentiment de relation et de coopération se profilait à l’horizon. Personne n’avait de réponse et les communautés se sont unies. À Paris, les gens chantaient depuis leurs balcons tandis que des acteurs célèbres lisaient en ligne des histoires aux enfants pour qu’ils s’endorment. Les gardiens de zoo ont ravi le public en présentant des animaux improbables les uns aux autres et des chefs de renommée mondiale faisaient la cuisine chez eux. En pleine période d’incertitude, le monde s’est uni dans la lutte contre la COVID-19.
Plus d’un an plus tard, ce sentiment de camaraderie n’est plus qu’un lointain souvenir. Quelques mois après ces premiers jours, la pandémie a révélé de nombreuses inégalités sous-jacentes qui existaient au Canada. Ces problèmes sont peut-être antérieurs à la pandémie, mais les mois de difficultés n’ont fait que les exacerber. Bien que la COVID-19 ait inspiré de nombreuses personnes à en aider d’autres, les dommages et le stress de la pandémie n’ont certainement pas été ressentis de la même manière par tous.
L’impact de la COVID-19 ne s’est pas limité aux hôpitaux. Des inégalités sexuelles et raciales, en passant par les inégalités en matière de conditions de travail, les Canadiens de différentes conditions socio-économiques traversent une pandémie très différente. Les inégalités prennent de nombreuses formes :
En théorie, chaque Canadien devrait avoir accès au même système de soins universel, surtout en pleine pandémie. En pratique, les choses se passent un peu différemment. Les centres de santé ne sont pas uniformément accessibles au pays, en particulier dans les zones plus rurales où la distance entre les centres est plus grande, ce qui crée des inégalités entre qui peut accéder aux services et quand. La densité d’hôpitaux et de professionnels de la santé est plus élevée dans les centres urbains, mais même dans ce cas, l’accès aux soins s’accompagne d’obstacles.
LL’accessibilité linguistique peut souvent s’avérer un défi, en particulier pour les nouveaux Canadiens qui ne parlent peut-être pas la même langue que leur médecin, ou avoir accès à des interprètes. Les obstacles physiques els que le manque de rampes ou d’accès pour les fauteuils roulants peuvent également augmenter les difficultés des Canadiens handicapés pour d’obtenir l’aide médicale adéquate. Même la prise d’un rendez-vous peut s’avérer difficile si elle nécessite de prendre un congé de maladie : les travailleurs horaires ou à faible revenu ne peuvent pas se permettre de quitter leur emploi. Les Canadiens ont peut-être des soins de santé universels, mais leur accès est loin de l’être.
La fracture numérique au Canada n’est pas une nouveauté. La couverture Internet dans les zones urbaines par rapport aux zones rurales est un problème de longue date : les vastes étendues du pays sont en effet des obstacles économiques et géographiques pour élargir son accès. Le téléchargement dans une ville peut atteindre une vitesse de 63,72 Mb/s, tandis que le même téléchargement dans une communauté rurale se fait à la vitesse moyenne de 5,96 Mb/s. Dans les communautés des Premières Nations, on estime que seulement 30 % des ménages atteignent la vitesse recommandée par le gouvernement pour charger les pages en quelques secondes plutôt qu’en quelques minutes. Cela signifie que les réunions en ligne pour le travail à distance ou les formations en ligne sont presque inaccessibles avec une connexion faible.
Lorsque les écoles et les services de soutien partout au pays ont fermé leurs portes en raison des confinements, de nombreuses familles ont été confrontées à un nouvel obstacle : qui va superviser les enfants ou prendre soin des personnes âgées? Les personnes qui essayaient de concilier travail à distance et école à distance ont rapidement réalisé à quel point les choses allaient être difficiles et, invariablement, ce sont les femmes qui supportent le plus souvent le poids de ces nouveaux défis.
Malheureusement, pour solutionner ce problème, un grand nombre de femmes ont démissionné pour assumer plus de responsabilités à la maison. Cette décision pourrait faire reculer la lutte pour l’égalité salariale qui prenait de l’ampleur avant que la pandémie ne frappe. Sans parler de l’impact à long terme des femmes qui quittent le monde des affaires qui affectera le nombre de femmes qui accèderont à des postes de direction à l’avenir. La lutte de nombreuses femmes visant à concilier le fait d’être mère et employée au même endroit et au même moment a le potentiel de laisser sa marque sur le monde professionnel pour les années à venir.
À Toronto, les communautés racialisées représentent 52 % de la population; pourtant, l’année dernière, elles représentaient 79 % des cas de COVID-19 de la région. Malheureusement, cette tendance ne se limite pas à la plus grande ville du Canada.
Malheureusement, même si le risque d’infection était plus élevé, les taux de vaccination étaient également faussés contre les minorités visibles. Lorsqu’on examine l’offre des premières doses, on observe que les Canadiens noirs étaient vaccinés près de 20 % de moins que la moyenne canadienne. Cela signifie que les populations les plus à risque étaient également les moins protégées.
On observe non seulement un nombre plus élevé de cas de COVID-19 chez ces minorités visibles, mais elles sont aussi confrontées à des niveaux plus élevés de discrimination. Un sondage de StatCan a révélé que les participants chinois, coréens, de l’Asie du Sud-Est et noirs étaient deux fois plus susceptibles d’être victimes de discrimination que les participants blancs tout au long de la pandémie. Partout au Canada, la COVID-19 affecte les gens différemment et les minorités visibles en subissent le plus gros impact.
La pandémie n’a épargné la santé mentale de personne. De l’isolement forcé à l’éloignement physique, les Canadiens ont été tenus à l’écart de bon nombre de leurs systèmes de soutien et cette nécessité a eu un coût tangible. Un A sondage réalisé par CAMH indique que 50 % des Canadiens ont signalé une détérioration de leur santé mentale au cours des derniers mois, et que bon nombre d’entre eux ressentent une plus grande inquiétude et anxiété. Les taux de toxicomanie, d’épuisement professionnel, d’anxiété et de dépression sont tous en hausse, ce qui démontre clairement que la pandémie constitue une menace au-delà de notre simple santé physique. Mais tout comme les services de soutien social étaient les plus nécessaires, beaucoup ont dû fermer leurs portes pendant les confinements. La facilité et la disponibilité d’accès à l’aide ont diminué parallèlement aux contrôles de santé et de bien-être qui étaient monnaie courante avant la pandémie. Soudainement, les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale se sont retrouvées seules avec peu de recours. Les derniers mois ont prouvé que trop de personnes passent entre les mailles du filet, tandis que le pays se concentre sur les soins de santé physique sans aucune solution en vue.
Nous vivons l’âge d’or des livraisons par Amazon, d’Uber Eats et des achats en ligne. Mais qu’en est-il des Canadiens qui ne peuvent pas se permettre de payer ces produits en ligne ou les frais de service et de livraison supplémentaires? Même avant la pandémie, le Canada avait des difficultés à assurer la sécurité alimentaire de tous les citoyens : plus de 800 000 personnes avaient en effet recours aux banques alimentaires chaque mois. La pandémie a vu ce nombre augmenter de an additional 20 %. Mais pour que les banques alimentaires fonctionnent efficacement, elles ont besoin de dons, de bénévoles et généralement de rassemblements en intérieur pour le partage des repas. Bien sûr, toutes ces choses sont rares pendant une pandémie alors même que leur besoin ne fait que croître. Même au moment où la troisième vague a frappé, les chiffres augmentaient régulièrement. À Calgary, en septembre dernier, un organisme a accueilli 1 000 personnes chaque jour pour ses services alimentaires, contre 400 par jour l’année dernière. Avec une demande stable, la pénurie alimentaire demeure une inégalité flagrante au pays alors que les camions de livraison Amazon passent par des banques alimentaires fermées.
Dans la même veine que les banques alimentaires, les refuges et les organismes de bienfaisance travaillant avec les Canadiens sans abri ont ressenti la même pression lorsque la pandémie a commencé. Les bénévoles restant à la maison et les dons se tarissant, les refuges partout au pays ont été coupés des services de soutien dont ils avaient besoin pour aider les sans-abris. Pire encore, sans endroit sûr pour s’abriter et s’isoler, les infections de COVID-19 se sont généralisées dans les refuges. Les Canadiens plus aisés avaient la possibilité d’échapper aux zones à risque de la pandémie en se rendant dans leur chalet et de nombreuses familles de la classe moyenne avaient accès à au moins une chambre individuelle pour s’isoler, mais d’autres étaient confrontés à un choix difficile : risquer une infection dans un refuge ou dans la rue. Pour les Canadiens qui avaient du mal à trouver un foyer avant la pandémie, la COVID-19 n’a fait qu’aggraver les choses avec un risque d’infection plus élevé et une diminution des ressources et du soutien.
Dans les bureaux du monde entier, les travailleurs ont célébré la nouvelle ère du travail à domicile. Et quel moment! Les présentateurs de nouvelles ont été filmés en pyjama et les erreurs de manipulation de Zoom ont fait rire le pays. Mais encore une fois, tout le monde n’a pas pu s’adapter de la même manière. Les travailleurs essentiels n’avaient pas la possibilité de travailler à domicile. Après tout, les épiceries ne peuvent pas être emballées avec une caméra web! Cela signifie que les personnes qui occupent des postes de première ligne sont exposées à un plus grand risque d’infection que celles qui ont la possibilité de travailler en ligne..
De plus, même si le risque est demeuré constant, les ressources disponibles pour les travailleurs essentiels ont diminué. Loblaws, par exemple, a augmenté les salaires de 2 $ au début de la pandémie avant d’annuler discrètement cette augmentation plusieurs mois après, alors qu’aucun vaccin n’était encore en vue. Alors qu’une partie du pays avait le luxe de rester chez soi, certains se rendaient chaque jour à leur travail malgré le danger pour eux et leur famille.
La pandémie a également eu un impact différent sur les personnes d’âges différents. De nombreuses personnes âgées ont été confrontées à une pandémie particulièrement grave, car bon nombre de leurs ressources ont été coupées. Les livraisons de repas ont été interrompues et les programmes locaux tels que ceux axés sur les exercices ou ceux nécessitant des rassemblements communautaires ont été suspendus. Cela a laissé des milliers d’aînés canadiens isolés et seuls.
La situation était encore pire pour les personnes hospitalisées. Alors que la COVID-19 déferlait dans les foyers de soins de longue durée au pays, les bâtiments ont fermé leurs portes. Les résidents ont de nouveau été isolés et pire encore : ils ont été piégés dans des endroits d’où ils ne pouvaient pas s’échapper, car la COVID-19 infectait leurs amis et leurs voisins. En fait, 69 % des décès au pays osont dus à des décès ayant eu lieu dans des foyers de soins. Les installations ont créé une tempête parfaite avec une population isolée et vulnérable, un personnel sous-payé et, dans de nombreux cas, de mauvaises conditions physiques. Malheureusement, ce sont les aînés canadiens qui en ont payé le prix.
Pour les personnes qui luttent contre la dépendance, la pandémie a été un scénario cauchemardesque. De nombreux Canadiens ont été laissés à eux-mêmes, isolés de leurs amis et de leurs réseaux qui sont normalement une source de soutien. Les services de réduction des méfaits et de traitement ont diminué alors même que la demande augmentait. En Colombie-Britannique, un nombre record de surdoses a été signalé au printemps 2020 alors que les utilisateurs cherchaient à atténuer l’anxiété, la dépression et la peur causées par la pandémie. Et ce ne sont pas seulement les personnes qui luttaient contre les dépendances qui ont vu une augmentation de la consommation de substances comme mécanisme d’adaptation.
Avec peu de choses à faire et la télévision ne tarissant pas de mauvaises nouvelles, de nombreux Canadiens se sont tournés vers la drogue ou l’alcool pour aller mieux. Selon un sondage de CAMH, 221 % des Canadiens âgés de 18 à 34 ans et 25 % de ceux âgés de 35 à 54 ans ont signalé une augmentation de leur consommation d’alcool pendant la pandémie. 52 % des consommateurs de cannabis existants ont également signalé une augmentation de leur consommation au moins au cours de la première vague. Lorsque les temps étaient difficiles, les Canadiens se sont tournés vers la consommation de substances pour affronter la situation et cette décision peut avoir des conséquences sur le long terme, en particulier chez les personnes qui ont déjà du mal à gérer leur consommation.
Il est temps d’arrêter de prétendre que nous sommes tous dans le même bateau. Les personnes qui peuvent se permettre d’échapper aux zones à risque ou faire leurs courses en ligne vivent une expérience très différente de celles vivant dans les quartiers à faible revenu qui ont un accès plus limité aux soins de santé tout en assumant un plus grand risque. Des communautés du Nord aux divers quartiers des centres urbains, le coût de la pandémie ne se fait pas sentir uniformément. En tant que Canadiens, ces inégalités devraient être un appel à l’action que nous devons faire davantage. Ne cherchons pas à revenir à « la normale » car la normale était déjà brisée. Au lieu de cela, trouvons un moyen de construire ensemble un nouveau système qui ne se contente pas de reconnaître les profondes inégalités au pays, mais qui prend de réelles mesures pour les corriger.
Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez aider les Canadiens touchés par la pandémie, consultez le Fonds d’aide aux communautés pour la COVID-19 de S’unir pour changer.